Histoires

Blog du Directeur général : quand la faim appelle l’innovation

Nyakuma était un bébé gai et joyeux et son rire nous donnait à tous le sourire.

Ces derniers temps, je pense souvent à Nyakuma et à Mary. Je me demande où elles sont aujourd’hui et si la petite fille est aussi heureuse que ce jour-là. Je me demande surtout si elles ont de quoi manger.

Une crise alimentaire sans précédent

L’année 2020 est une année exceptionnelle, et malheureusement, pas pour de bonnes raisons : une pandémie globale de nouvelles crises humanitaires inattendues, comme celle déclenchée par l’explosion  de Beyrouth, et maintenant la faim qui s’aggrave.

La faim était déjà un problème avant l’apparition de la pandémie. Les conflits, l’insécurité et le changement climatique ont en effet contribué à l’augmentation du nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde. Mais avec la COVID-19, la situation a nettement empiré. Les confinements, le chômage et le bouleversement des marchés et de la production agricole (entre autres facteurs) ont provoqué une augmentation massive du nombre de personnes risquant de mourir de faim d’ici la fin de l’année 2020. Le Programme alimentaire mondial estime ce nombre à environ 270 millions de personnes, soit le double de ce qui avait été prévu à la fin de l’année 2019.[1][2] Davantage de personnes pourraient mourir de faim des conséquences de la COVID-19 plutôt que de l’épidémie elle-même.[3]

Cela fait des années que nous organisons des interventions vitales en matière de nutrition dans des pays touchés par les conflits, l’insécurité et les catastrophes naturelles mais, pour une crise alimentaire de cette ampleur, nous devons tout faire pour tenter d’enrayer la mortalité et les souffrances liées à la malnutrition. Il nous faut être, plus que jamais,  réactifs.

Faim et innovation

Nous travaillons actuellement avec le laboratoire d’innovation d’une société de transports internationale afin de concevoir un pèse-bébé d’une très grande précision, capable de détecter la différence de poids d’un nourrisson avant et après allaitement. Cette balance sera utilisée dans les urgences nutritionnelles, au sein des services hospitaliers accueillant les enfants les plus gravement sous-alimentés qui ont besoin d’une prise en charge continue pour survivre. Non seulement il est essentiel d’avoir une connaissance détaillée de l’alimentation d’un enfant malnutri pour mettre toutes les chances de son côté, mais la collecte d’informations, comme le niveau de production de lait de la mère, pourra, avec la prise de poids ultra précise, permettre à cet enfant de recouvrir la santé et d’avoir un avenir. Nous avons également adapté nos interventions en matière de nutrition pour enrayer la propagation de la COVID-19 au sein des communautés vulnérables. Pour permettre le dépistage de la malnutrition et déterminer si un enfant est malnutri, le personnel formé prend habituellement des mesures avec un mètre ruban spécial. À cause de la pandémie et de la distanciation sociale, nous ne pouvons pas toujours le faire nous-mêmes. En plus de travailler avec les familles pour veiller à ce qu’elles comprennent l’importance de pratiques telles que le lavage des mains, nous leur montrons également comment prendre ces mesures. De cette manière, elles peuvent surveiller elles-mêmes l’état nutritionnel de leur enfant et savoir quand se rendre dans un centre de nutrition pour le faire soigner si besoin. Ainsi, non seulement nous freinons la propagation de la COVID-19, mais nous donnons également aux familles les moyens d’identifier à domicile un éventuel problème de malnutrition à un stade précoce.

Bien entendu, nous faisons tout notre possible pour éviter la propagation de la COVID-19 là où nous intervenons. Au Bangladesh, par exemple, nous continuons de fournir des services de santé aux familles vulnérables. En Afghanistan, nous organisons des sessions d’information pour essayer de dissiper les rumeurs, les mythes et les idées fausses qui circulent sur la manière dont se propage le virus. Au Soudan du Sud, nous disposons d’un système de suivi des soins à domicile par téléphone pour apporter un soutien aux familles ayant un cas confirmé ou probable de COVID-19 chez elles. Jamais nous n’aurions pu imaginer, il y a un an de cela, devoir programmer des interventions humanitaires dans un contexte de pandémie mondiale, mais le fait d’être réactifs et d’adapter nos programmes nous a permis, autant que possible, de maintenir nos services essentiels, tout en nous efforçant d’enrayer la propagation d’un virus qui a des conséquences dévastatrices sur la santé mondiale, l’économie locale et la faim en particulier.

En tant qu’organisation humanitaire, nous ne pouvons pas mettre un terme aux conflits, au réchauffement climatique ou encore à la COVID-19. Cependant, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour trouver des solutions innovantes permettant le dépistage et le traitement de la malnutrition dans les communautés qui sont le plus gravement touchées par ces crises. C’est à nous qu’incombe la responsabilité de veiller à ce que des enfants comme Nyakuma disposent des meilleures chances possibles dans la vie – et cela signifie être prêts à faire preuve d’innovation au cœur de l’une des plus graves crises alimentaires de notre époque.

270 MILLIONS DE PERSONNES MENACÉES EN 2020

NOUS POUVONS SAUVER DES VIES.