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Revivre la misère

Des tremblements de terre jumeaux survenus au petit matin le 6 février 2023 ont aggravé les difficultés d'un pays déjà en proie à de sérieuses crises.

Deux tremblements de terre dévastateurs ont frappé les régions du nord de la Syrie et du sud de la Turquie, provoquant des dégâts considérables suivis de nombreuses répliques, et d’immenses souffrances pour la population du pays déjà en proie aux crises. L’impact des tremblements de terre a été ressenti dans toute la région.   

 « J’ai acheté une maison cinq jours seulement avant les tremblements de terre. Maintenant, ma famille et moi sommes sans abri », confie Nour.  

A humanitarian aid worker conducts psychological first-aid sessions with an affected community member.

Nagham, responsable de la santé chez Mediar, réconforte Noor, une membre de la communauté syrienne âgée de 45 ans, touchée par l’impact dévastateur des tremblements de terre, lors d’une intervention de premiers secours psychologiques au stade Al Hamdaniah, temporairement utilisé comme abri collectif. Photo prise au stade Al Hamdaniah, le 8 mars 2023.

La survenue d’un tremblement de terre peut provoquer un sentiment de choc et de confusion, ainsi qu’une peur et une anxiété intenses. Les survivants sont parfois désorientés et ne savent pas quoi faire ou vers qui se tourner pour obtenir de l’aide. Les premiers secours psychologiques permettent de répondre à ces émotions en offrant aux survivants un environnement sûr et favorable pour qu’ils puissent s’exprimer et recevoir de l’aide. J’étais en route avec notre équipe de santé pour le stade Al Hamdaniah, où un groupe d’agents de santé communautaire devait organiser des interventions de premiers secours psychologiques pour les membres de la communauté affectés par les tremblements de terre. Auparavant, même avant le conflit en Syrie, le stade Al Hamdaniah à Alep était un haut lieu d’événements sportifs. Aujourd’hui, suite aux tremblements de terre, il accueille temporairement quatre cent cinquante familles déplacées.  

En arrivant à l’entrée du stade, je découvrais des foules de gens partout. Le spectacle de tant de personnes vivant dans ces conditions m’a brisé le cœur. Cela faisait des semaines qu’ils étaient là, depuis la catastrophe. Des personnes de tous horizons sont venues chercher refuge ici, et nombre d’entre elles ont désespérément besoin d’une aide psychologique de première urgence.   

Les premiers secours psychologiques sont un élément essentiel pour aider les personnes ayant subi un tremblement de terre à gérer leurs émotions et leur santé mentale après avoir été victimes d’un événement traumatisant. Ils constituent un cadre important pour la prestation des soins de santé mentale nécessaires et sont particulièrement importants pour les personnes qui vivent dans des communautés vulnérables ou qui n’ont pas accès à des ressources professionnelles en matière de santé mentale.  

J’ai rencontré Noor, 45 ans, membre de la communauté syrienne vivant à Alep, au cours d’une des interventions de premiers secours psychologiques menées par Nagham, la responsable de la santé de Medair. Noor vit avec son mari et leurs deux enfants à environ quinze minutes en voiture du stade Al Hamdaniah. Ils se trouvent aujourd’hui dans une situation difficile, après avoir perdu leur nouvelle maison à la suite des tremblements de terre dévastateurs. Pendant la séance de premiers secours psychologiques avec Nagham, l’agent de santé de Medair, Noor a évoqué la nouvelle maison qu’ils ont achetée quelques jours avant les terribles événements, ainsi que les difficultés et les épreuves qu’ils ont dû surmonter dans ces circonstances éprouvantes. 

Humanitarian aid workers conduct psychological first-aid sessions with an affected community member.

Nagham, la responsable santé de Mediar, mène une intervention de premiers secours psychologiques en présence d’Abdo, agent de santé communautaire de Medair.

« J’ai acheté une maison cinq jours seulement avant les tremblements de terre », raconte-t-elle, les larmes aux yeux et les poings serrés. J’ai ressenti sa douleur. « Ma famille et moi nous retrouvons désormais sans abri », dit-elle en fondant en larmes. Noor eut besoin de reprendre ses esprits, et Nagham la réconforta. Après une brève pause et une profonde inspiration, elle poursuivit en essuyant ses larmes : « Ça fait du bien de pleurer, j’en avais besoin. Je gardais tout ça en moi, et ça me rongeait de l’intérieur. L’année vient de commencer, et elle s’avère déjà si malheureuse pour notre famille. Cela a bouleversé nos vies irrémédiablement. Je ne veux pas savoir ce qui nous attend », dit-elle, contemplant l’avenir en scrutant l’horizon.  

Elle poursuit : « Mon mari et moi avons décidé en décembre de l’année dernière d’acheter une nouvelle maison en 2023. Compte tenu du fait que le conflit est peu actif, que les deux années de pandémie COVID ont été très éprouvantes et que je suis en bonne santé, nous estimions que le moment était venu pour notre famille d’acquérir une nouvelle maison. J’étais enthousiaste et très heureuse car nous le prévoyions et j’ai toujours voulu une maison pour mes enfants. Dieu avait d’autres projets pour nous », dit-elle en relevant la tête. Elle raconte ensuite : « Cinq jours seulement avant le tremblement de terre, nous avons acheté une magnifique maison neuve à côté du parc Bustan Al-Qasr, à environ quinze minutes d’ici. Mon mari et moi étions aux anges. Nous n’aurions jamais pu anticiper cette situation traumatisante », dit-elle de nouveau submergée par l’émotion. « Nous étions en train d’emménager nos meubles et l’électroménager, nous n’étions pas encore complètement installés. Nous n’avons jamais eu le plaisir d’emménager totalement et de profiter de notre maison. Cela n’arrivera jamais. » 

Après un moment, elle continue : « Ma situation est affligeante : je suis une fière propriétaire sans abri. Je n’arrive pas à y croire. Les tremblements de terre nous ont tout pris. Ce n’était pas censé se produire. C’est difficile de vivre ici dans de telles circonstances. Comme vous pouvez le constater, ce ne sont pas des conditions de vie idéales et nous nous efforçons de subvenir quotidiennement à nos besoins en nourriture, en eau et en médicaments. Je dors juste ici, par terre, et je ne suis plus toute jeune. La plupart des nuits sont sans sommeil car tout le monde s’y presse jour et nuit en permanence. Parfois, les pleurs des gens me réveillent au milieu de la nuit. Tout cela me rend très triste, anxieuse et tourmentée. Le souvenir de cet événement traumatisant se répète encore dans mon esprit, m’empêchant de trouver le sommeil. J’en fais souvent des cauchemars. Mon état de santé s’en ressentira certainement. Je souffre déjà d’hypertension artérielle, je sais donc que cela aura un impact à long terme. Notre maison a été détruite et nous n’avons nulle part où aller. C’est comme si nous revivions sans cesse la misère, en permanence. Je ne sais plus rien », dit-elle tristement. Nagham a assuré à Noor que son équipe était là pour les soutenir et répondre à toutes les questions qu’elle pourrait avoir sur l’accès aux services de santé. À la fin de la séance, Noor a déclaré brièvement qu’elle se sentait beaucoup mieux après avoir été écoutée par quelqu’un et avoir pu discuter avec elle de ses souffrances actuelles.

A humanitarian aid worker presents a brochure during a psychological first-aid session with an affected community member.

Noor, 45 ans, membre d’une communauté syrienne touchée par l’impact dévastateur des tremblements de terre, se voit remettre une brochure Medair par Abdo, agent de santé communautaire de Medair, au cours d’une séance de premiers secours psychologiques. Cette brochure présente les services de santé offerts dans les centres de soins de santé primaires de Salah El Din, soutenus par Medair et situés à proximité du stade. Photo prise au stade Al Hamdaniah, provisoirement utilisé comme abri collectif, le 8 mars 2023.

Au cours de la séance de premiers secours psychologiques avec Nagham, Abdo, l’agent de santé communautaire de Medair, a remis à Noor une brochure Medair présentant les services de santé offerts dans les centres de soins de santé primaires de Salah El Din, soutenus par Medair et situés à proximité du stade. Au centre de santé primaire, Noor et les autres communautés touchées peuvent bénéficier de services tels que des médicaments gratuits, des tests d’écho et des consultations médicales. La brochure imprimée est remise aux communautés affectées et indique l’emplacement du centre de santé primaire soutenu par Medair, ainsi que les services de santé essentiels dont elles peuvent bénéficier en s’y rendant. Dans le cadre de l’intervention, Medair mène également une campagne de promotion de l’hygiène pour éduquer la communauté sur l’importance de maintenir de bonnes pratiques d’hygiène. La session comprendra les bases d’une bonne hygiène et d’un bon système sanitaire. Les volontaires en santé communautaire expliqueront les différentes méthodes de lavage des mains et l’importance d’utiliser de l’eau et du savon pour éviter la propagation des germes et des maladies.

Kids run in the hallway at a sporting stadium hosting community members affected by the earthquakes in Aleppo.

Le stade Al Hamdaniah, un centre sportif, est temporairement utilisé comme abri collectif accueillant quatre cent cinquante familles, après l’impact dévastateur des tremblements de terre. Le stade est situé dans la zone de chalandise d’un centre de soins de santé primaires (CSP) soutenu par Medair dans la région de Salah El Din. Photo prise au stade Al Hamdaniah le 8 mars 2023. 


L’intervention et les services de Medair après le tremblement de terre à Alep sont financés par le Fonds humanitaire syrien (SHF), la Chaîne du Bonheur, la Direction du développement et de la coopération (DDC) du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et le soutien financier de l’Union européenne. 

Ce contenu a été élaboré à partir de ressources rassemblées par le personnel de Medair sur le terrain et au siège social. Les opinions exprimées ici sont celles de Medair uniquement et ne doivent en aucun cas être considérées comme reflétant l’opinion officielle d’une autre organisation.