Histoires

Non, ces crises humanitaires n’ont pas disparu.

Lorsque la vie continue, que se passe-t-il pour ceux que l’on a oubliés ?

Lorsque nous avons commencé à rédiger ce contenu en janvier, nous voulions attirer l’attention du public sur des crises qui se déroulent encore à l’heure actuelle mais dont les médias ne parlent plus.

Nous étions loin de nous imaginer qu’en quelques semaines seulement, le monde aurait dramatiquement changé. Partout aujourd’hui, et jour après jour, c’est le coronavirus qui est à la une. Que ce soit temporaire ou permanent, le Covid-19 a changé notre manière de vivre.  

Pour les communautés vulnérables auprès desquelles nous intervenons, le virus est une difficulté de plus à surmonter, un défi qui vient s’ajouter à tous ceux qui sont déjà insurmontables.

Cela fait neuf ans que les réfugiés syriens vivent dans des campements ; les réfugiés Rohingyas, quant à eux, ont subi des décennies d’oppression au Myanmar ; et pour ce qui est des Congolais, ils luttent courageusement et infatigablement contre le virus Ebola – ces crises, pour n’en citer que quelques-unes, continuent dans un contexte d’indifférence totale.

Mais les conditions de vie de ces populations les rendent particulièrement vulnérables aux maladies infectieuses ; les organisations humanitaires comme Medair font tout leur possible pour réduire l’impact du virus sur ces communautés.

Qu’en est-il de ces « autres » crises ?

Celles qui expliquent notre présence dans ces pays, celles dont la gravité ne s’atténue nullement face à la nouvelle menace, celles qui vont certainement favoriser la propagation dévastatrice du coronavirus.

Nous avons demandé à certains de nos collègues de nous expliquer pourquoi ces autres crises sont (encore) des urgences. Aujourd’hui, plus que jamais, nous ne pouvons les oublier. *

AFGHANISTAN : Par où commencer ?

Un grand-père et son petit-fils qui a été soigné pour une malnutrition sévère modérée dans les Hauts-plateaux du centre de l’Afghanistan.

« Il y a tellement d’urgences qui se passent en même temps en Afghanistan qu’il est souvent très compliqué de savoir par où commencer. La plupart des gens savent que le pays est en conflit, d’après ce qu’ils entendent dans les médias, mais ce qui est montré n’est souvent qu’un petit aperçu de la triste réalité. On entend très peu parler de l’impact des conflits et des catastrophes naturelles sur le peuple afghan, notamment sur les enfants. Cette année, un quart de la population, soit plus de neuf millions de personnes sur trente-huit,  vont avoir besoin d’une aide humanitaire. Plus de la moitié de ce nombre sont des enfants. Les familles peinent à trouver des aliments suffisamment nutritifs et, en conséquence, 41% des enfants de moins de cinq ans en Afghanistan sont malnutris et présentent un retard de croissance. Il s’agit là d’un des taux les plus élevés au monde.  

En tant qu’organisation, nous voulons avoir une approche multisectorielle qui met en place des projets qui s’attaquent aux différentes crises qui touchent une même communauté. Cela peut signifier mettre en place des équipes de santé mobiles qui vont dans les villages pour traiter les femmes et les enfants malnutris ; donner à la population un accès à de l’eau potable en construisant ou en réparant des points d’eau ; construire des structures d’assainissement comme des latrines afin d’améliorer les conditions d’hygiène ; former les femmes sur la mise en place de jardins potagers afin d’améliorer la diversité alimentaire. Dans les régions du pays particulièrement touchées par la sécheresse,  nous avons distribué aux agriculteurs des graines afin de les aider à garantir leur prochaine récolte ; certains reçoivent aussi une aide financière pour qu’ils puissent s’acheter de quoi manger en attendant la moisson. »

Anna C. Responsable du programme Afghanistan

 

La crise des Rohingyas : Des milliers de vies en suspens

Une famille Rohingya à l’extérieur de son abri dans le camp de réfugiés de Kutupalong, en novembre 2017.

« Cela fait maintenant deux ans et demi que plus de 700 000 Rohingyas ont fui leurs domiciles au Myanmar parce qu’ils étaient la cible d’innommables violences. Traumatisés, ils sont arrivés au Bangladesh voisin, sans rien, mis à part les vêtements qu’ils portaient le jour de leur fuite. Une grande majorité pensait qu’ils allaient pouvoir rentrer chez eux après quelques semaines, voire quelques mois au maximum ; un espoir qui leur tenait très à cœur, même s’ils se doutaient que la plupart des maisons avaient été détruites. Et pourtant, nous voici, en 2020. Les Rohingyas attendent encore. Six cent mille d’entre eux se partagent un terrain de 13 km2 qu’ils n’ont pas droit de quitter et qui est devenu le plus grand camp de réfugiés du monde. Aujourd’hui, ils rêvent encore de rentrer chez eux. La moitié de ces réfugiés sont des enfants ; leurs parents ne peuvent envisager les laisser grandir dans un camp, entassé les uns sur les autres.

Mais ils savent que s’ils retournent au Myanmar, ils seront probablement encore en danger. Leur vie est donc en suspens jusqu’à ce qu’une solution durable soit trouvée. Entre temps, ils dépendent entièrement de l’aide humanitaire sans laquelle ils ne peuvent survivre. Nous ne pouvons malheureusement pas leur donner ce qu’ils désirent réellement, c’est à dire un retour à la maison en toute sécurité, mais nous pouvons répondre à leurs besoins en prenant soin de leur santé, de leur nutrition, et en leur fournissant un toit pour qu’ils soient à l’abri. En étant à leurs côtés durant cette période difficile, nous espérons qu’ils comprennent que nous ne les avons pas oubliés. »

Carl Adams, Directeur pays (Bangladesh)

 

Crise syrienne : la plus grande crise de réfugiés au monde

Un petit garçon chez lui, dans l’est d’Amman en Jordanie, en décembre 2019

« Medair intervient face à la plus grande crise de réfugiés de notre temps en apportant une aide aux Syriens vulnérables et à la communauté qui les accueille. L’insécurité financière, le chômage, la pauvreté, l’exploitation des enfants sont autant de défis qui rendent notre intervention d’urgence indispensable à la survie des réfugiés syriens. Ceux qui vivent en Jordanie peinent à se faire soigner même lorsque leur vie est en jeu et n’ont pas les moyens de payer pour des accouchements compliqués. Notre équipe santé intervient en distribuant des aides financières pour que les réfugiés vulnérables puissent bénéficier de soins essentiels.

Même si la crise syrienne dure depuis des années, les conditions de vie des réfugiés n’ont que très peu évolué. Ils ont toujours autant de difficultés à recevoir une éducation, à se faire soigner, à trouver un logement et un travail, et ne parviennent pas à officialiser leur statut. En conséquence, ils demeurent dans un état d’urgence constant et méritent toute l’attention de nos équipes. »

Sarah AlZureikat, Chargée de projets santé

 

République démocratique du Congo : « Une multitude de problèmes »

Un véhicule Medair effectue un trajet dans une région isolée de la R.D. Congo.

« Je vis en République démocratique du Congo depuis environ 1988. En 2016, je suis devenue Directrice adjointe des programmes de Medair, basée à Goma.

Le pays est énorme, il fait la taille de toute l’Europe de l’ouest, et il est confronté à une multitude de problèmes, bien plus qu’on ne peut l’imaginer. Mais à une époque, le pays a connu la paix et la prospérité ; les gens vivaient leur vie sans craindre l’irruption de groupes armés. Une vraie paix.  

À Medair, nous faisons tout notre possible pour soulager la souffrance. Je continue d’espérer qu’un jour la stabilité et la paix reviendront. »

Constance Smith, Directrice adjointe des programmes

 

Soudan du Sud

En 2019, l’équipe d’urgence au Soudan du Sud a vacciné près de 300 000 enfants contre la rougeole.

« Le pays a traversé de multiples conflits civils ces dernières décennies. Ceux-ci ont eu et continuent d’avoir un impact tragique sur tous les aspects de la vie au Soudan du Sud : l’approvisionnement en nourriture, l’éducation, la protection sociale, les infrastructures (routes, réseaux d’eau, communication). À ces conflits viennent s’ajouter les sécheresses, les famines et parfois même de graves inondations. Le résultat : un niveau de malnutrition alarmant, l’impossibilité de développer des moyens de subsistance, et un système de santé qui n’est plus en mesure de stocker des médicaments de base ni d’atteindre la population que le contexte a éparpillée.

Comment est-ce qu’une femme sur le point d’accoucher peut-elle atteindre un centre de santé lorsque 70 % des routes sont impraticables durant la saison de pluies ? Où peut-on trouver des professionnels de la santé lorsque cela fait des années que les populations sont forcées de se déplacer et que les écoles sont fermées ?

Dans les faits, le taux de mortalité maternelle au Soudan du Sud est un des plus élevés du monde et le nombre de travailleurs santé qualifiés est d’un travailleur pour 65 574 habitants. 

Ces urgences qui s’accumulent et s’aggravent mutuellement empêchent virtuellement tout progrès. La situation au Soudan du Sud demeure d’une complexité dramatique. »

Caroline Boyd, Responsable du programme Soudan du Sud

 


 

*Citations collectées en janvier 2020

Medair est une ONG humanitaire internationale qui offre une aide d’urgence et des services de reconstruction aux familles affectées par les catastrophes naturelles, les conflits et d’autres crises. Medair intervient actuellement dans 12 pays. Au Bangladesh, Medair travaille en partenariat avec World Concern.

Ce contenu a été élaboré à partir de ressources recueillies par le personnel de Medair sur le terrain et au siège. Les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que Medair et ne reflètent en aucun cas l’opinion officielle d’autres organisations.