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La soif de survivre

Les ménages de Baalbek/Hermel risquent d'être expulsés car ils sont incapables d'assumer l'augmentation des loyers.

« Parfois, nous entendons nos estomacs gronder la nuit à cause de la faim, mais nous nous efforçons de l’ignorer », confie Safwan.

Depuis 2019, le Liban ne cesse de sombrer dans l’une des plus graves crises financières au monde. La dépréciation de la livre libanaise (LBP), qui a perdu 96 % de sa valeur depuis 2019, et l’inflation qui a atteint 249 % suite à l’augmentation du prix du panier alimentaire de base et à la réduction des subventions sur les produits de base tels que la nourriture, les médicaments et le carburant, ont considérablement réduit le pouvoir d’achat de la population. Compte tenu de l’aggravation de la crise, un nombre croissant de ménages sont menacés d’expulsion, en particulier les personnes ayant des besoins spécifiques et les femmes cheffes de famille.

A Syrian child with down syndrome is embraced by his father while sitting on a chair

Safwan, 40 ans, membre de la communauté syrienne, est assis à côté de son fils Mohamad, 9 ans, atteint de trisomie 21, dans le salon de leur maison à Haouch Er Rafqa, dans le district de Baalbek, gouvernorat de Baalbek-Hermel, le 6 décembre 2022. ©Medair/Abdul Dennaoui

Safwan, 40 ans, est un membre de la communauté syrienne vivant à Houch Er Rafqa, dans le district de Baalbek/Hermel. Safwan vit avec sa femme et ses deux enfants, tous deux atteints de trisomie 21, et ils doivent désormais lutter quotidiennement pour leur survie. Faute de pouvoir trouver un emploi et face à l’accumulation constante de dettes pour des articles de première nécessité tels que la nourriture et les médicaments, la famille n’a plus les moyens de payer son loyer, ni même d’obtenir des soins de santé pour leurs enfants. Le projet Cash for Rent (CfR) de Medair, financé par le Fonds humanitaire du Liban (LHF ), vise à soutenir les membres les plus vulnérables de la communauté . Safwan nous a confié les épreuves et les difficultés auxquelles sa famille est confrontée dans ces circonstances difficiles et nous a expliqué combien il était crucial pour lui de bénéficier d’une aide en espèces.

Tout en étreignant son plus jeune fils, Mohamad, âgé de neuf ans, Safwan raconte son histoire : « Nous avons fui la Syrie il y a sept ans à cause de la guerre et nous sommes arrivés au Liban dans l’espoir de recommencer à zéro. Lorsque nous sommes arrivés au Liban, la vie était moins dure que dans notre pays d’origine. Comme vous pouvez le constater, Dieu m’a béni en me donnant deux magnifiques fils, tous deux atteints de trisomie 21. Ce terme revêt entraîne peut-être une réaction différente pour le reste du monde, mais pour moi, cela signifie qu’ils sont très spéciaux et qu’ils requièrent un peu plus d’attention, c’est pourquoi nous avons toujours dû être plus attentifs à leur égard ».

Le silence s’installe dans la salle, et chacun médite sur la situation. En retenant son souffle, Safwan poursuit : « Compte tenu de notre situation actuelle, nous ne pouvons prendre qu’un repas par jour – et pas un repas chaud. Chez nous, le repas habituel se résume à du pain pita avec du zaatar (une herbe culinaire) et du labneh (un fromage à base de yaourt épicé), soit le strict minimum que nous pouvons nous permettre. Ma femme et moi nous asseyons à la lumière des bougies une fois les enfants endormis et prenons notre repas. Parfois, nous entendons nos estomacs gronder la nuit à cause de la faim, mais nous nous efforçons de l’ignorer. Notre nutrition ou notre santé importent peu aujourd’hui. Nos enfants, mes fils, représentent tout pour nous. Je me laisserais mourir de faim pour qu’ils survivent. »

A Syrian child with down syndrome is embraced by his father while sitting on a chair.

Mohamad, 9 ans, le plus jeune fils de Safwan, est assis à côté de son père dans leur salon à Haouch Er Rafqa, dans le district de Baalbek, gouvernorat de Baalbek-Hermel, le 6 décembre 2022. ©Medair/Abdul Dennaoui

Je ne saurais compter le nombre de fois où j’ai levé les bras au ciel en implorant Dieu de m’aider à m’en sortir ou de m’envoyer de l’aide, quelle qu’elle soit. Mes prières ont finalement été exaucées et je suis très reconnaissant que des organisations soient venues à notre secours. Sur le point d’être expulsés, le paiement de notre loyer nous a soulagés d’un poids considérable. Cela nous a permis de souffler un peu. Nous avons pu nous concentrer sur les médicaments de mes fils. Certes, cette situation n’est pas permanente, car nous rencontrons toujours des difficultés, mais le plus important, c’est que nous avons gardé un toit au-dessus de nos têtes. Je n’ai pas les mots pour exprimer ma gratitude. Je ne peux pas imaginer que ma famille et moi nous retrouvions à la rue, sans aucun refuge. »

Depuis quelques années, l’assistance en espèces est reconnue au niveau international comme un moyen efficace de répondre aux besoins des personnes et de leur accorder de l’autonomie. Medair a intégré cette approche dans ses programmes dans de nombreux pays. Au Liban, Medair soutient actuellement 603 ménages parmi les plus vulnérables de Baalbek/Hermel grâce au programme Cash for Rent, financé par le Fonds humanitaire libanais. En coordination avec le secteur des abris, Medair soutient 225 ménages vulnérables en leur offrant des allocations de loyer dans les communautés vulnérables de Baalbek/Hermel. Les initiatives en matière d’argent liquide peuvent stimuler l’économie locale et donner aux bénéficiaires la possibilité de se remettre sur pied et de se recentrer sur leur famille.

 

 


Les opérations Cash for Rent (CfR) de Medair à Baalbek-Hermel sont financées par le Fonds humanitaire libanais (LHF) et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

Ce contenu a été élaboré à partir de ressources rassemblées par le personnel de Medair sur le terrain et au siège social. Les opinions exprimées ici sont celles de Medair uniquement et ne doivent en aucun cas être considérées comme reflétant l’opinion officielle d’une autre organisation.