On nous demande souvent si nos services sont requis en Europe de l’est. Bien que nous ayons travaillé dans des pays tels que le Kosovo, la Tchétchénie et l’Ossétie du Nord, il demeure que notre engagement envers les plus nécessiteux nous amène régulièrement à intervenir dans des régions encore plus pauvres de la Planète.
Trois facteurs entrent en jeu lorsque nous décidons où intervenir : l’importance du besoin, la vulnérabilité et la capacité des populations à se débrouiller par elles-mêmes. Avec environ 18 millions de personnes touchées, l’Ukraine connaît désormais l’une des pires crises humanitaires au monde. En termes de vulnérabilité, un tiers des nécessiteux dans le pays sont des personnes âgées, soit la proportion la plus élevée de toutes les crises dans le monde. Le conflit a par ailleurs gravement entamé les capacités économiques et infrastructurelles pourtant autrefois robustes du pays, et les nations voisines sont débordées face à l’afflux massif de réfugiés. Ce sont tous ces facteurs qui nous poussent à agir.
Cependant, bien que notre équipe d’intervention d’urgence tente de répondre aux besoins des Ukrainiens, nous sommes profondément préoccupés par le manque d’attention que suscitent les autres crises humanitaires. Prenons par exemple la crise dans la Corne de l’Afrique, qui vous a peut-être échappé, où 13 millions de personnes font actuellement face à la famine à cause d’une sécheresse historique. En Afghanistan, 24 millions de personnes ont besoin d’assistance urgente ; en Éthiopie, 25 millions ; au Yémen, 20 millions. L’attention médiatique sur les évènements en Europe est compréhensible, mais nous ne devons pas oublier les crises négligées des autres parties du monde.
Alors que je reçois des rapports sur l’état de la situation en Ukraine, on nous informe également qu’un nombre croissant de ces crises oubliées commencent à manquer sérieusement de financements. Il ne faut pas non plus oublier les conséquences que les conflits ukrainiens ont sur ces autres pays. L’Ukraine est un fournisseur majeur de céréales dans le monde entier. En effet, le Yémen importe 50 % de son blé de la Russie et de l’Ukraine, et le Liban jusqu’à 60 %. Les conflits vont entraîner une forte augmentation des prix de la nourriture et du carburant à travers le monde et contribuer de manière significative aux taux croissants de famine, surtout dans les pays qui dépendent des produits importés.
Avec toute l’attention portée sur les retombées mondiales des conflits en Ukraine, il peut s’avérer difficile de dissocier la crise humaine de ses implications politiques. Mais en tant qu’organisation humanitaire impartiale, notre objectif est d’allouer des ressources sur le seul critère de la nécessité. Nous ne pouvons pas laisser la politique, l’attention des médias ou l’humeur du public dicter nos décisions. Après tout, un pays est constitué d’êtres humains. Chaque personne mérite d’être soutenue et de bénéficier de notre aide. Les personnes qui fuient la violence sont des personnes comme vous et moi. La seule question que nous devons nous poser actuellement est celle-ci : de quoi ces personnes ont-elles besoin ?
L’élan de générosité extraordinaire envers les Ukrainiens est particulièrement réconfortant, preuve que nous nous soucions bien les uns des autres, même après avoir subi deux années de pression avec la pandémie mondiale. Mais nous devons poursuivre nos efforts. Nous ne pouvons pas laisser la crise actuelle masquer la souffrance des autres pays.
C’est pour cette raison que nous voulons absolument redoubler nos efforts pour pouvoir aider les Ukrainiens mais aussi les Afghans, les Yéménites et les nombreuses autres populations vulnérables. Bien que toutes ces crises soient accablantes, nous ne devons pas oublier que la compassion doit rester impartiale. La souffrance est l’affaire de tous.