Histoires

Nos vies ont basculé en l’espace de quelques secondes

Bilan de notre intervention lors du tremblement de terre en Turquie et en Syrie

Le 6 mai, il se sera écoulé trois mois depuis les tremblements de terre jumeaux catastrophiques qui ont dévasté le sud de la Turquie et la Syrie le 6 février 2023 à l’aube. Le premier est survenu à 04h17. Sa magnitude monstrueuse de 7,8 a entraîné l’effondrement des bâtiments jusqu’à leurs fondations. Le second a frappé quelques heures plus tard, aggravant encore les ravages. À ce jour, plus de 59 000 personnes ont perdu la vie.

En Syrie, nos collègues ont immédiatement pris la route pour Alep, fortement endommagée par les tremblements de terre et où nous œuvrons depuis des années pour apporter une aide humanitaire d’urgence aux familles vulnérables touchées par une crise chronique. Parallèlement, notre équipe d’intervention d’urgence mondiale a réservé un vol pour la Turquie et planifié un itinéraire pour traverser le pays d’Istanbul à Gaziantep.

Au cours des trois mois suivant la catastrophe, nous sommes intervenus auprès de familles affectées par le tremblement de terre dans toute la région. En Syrie, nous fournissons des services tels que la santé mentale et le soutien psychosocial, réhabilitons les cliniques de santé et les infrastructures d’eau potable et d’hygiène, et fournissons des transferts monétaires inconditionnels et de biens ménagers de première nécessité comme des couvertures, des bâches, des tentes et des réchauds. En Turquie, nous collaborons avec des partenaires pour distribuer des articles ménagers de première nécessité, effectuer des versements d’argent inconditionnels et offrir un soutien psychosocial et en matière de santé mentale.

De nombreuses victimes que nous avons rencontrées et auxquelles nous avons parlé depuis les tremblements de terre demeurent bouleversées par ce qu’elles ont vécu, mais elles vivent aussi des moments vecteurs d’espoir et de courage. Découvrez certains récits de ces personnes.

Ma vie a basculé en un instant

Avant le séisme, la ville turque d’Adiyaman était connue pour ses raisins sucrés, considérés comme une spécialité locale et célébrés par une statue dans le centre de la ville. Aujourd’hui, cette statue s’érige parmi les décombres. La plupart des quartiers d’Adiyaman sont en ruine et des équipes de construction se relaient jour et nuit pour démolir et évacuer les bâtiments trop endommagés pour subsister.

« Avant le tremblement de terre, environ 50 000 personnes vivaient ici », nous informe Ali , un fonctionnaire de la ville. « Après le tremblement de terre, environ 85 % des gens ont fui. Certains sont revenus ; ils veulent reconstruire leur vie. Le problème qui se pose actuellement est celui des décombres. Il y en a trop pour que les gens rentrent chez eux.

« Avant le séisme, Adiyaman était un lieu très convivial. De nombreuses activités culturelles étaient proposées. La qualité de vie était très appréciable », se souvient Ali. « Désormais, nous nous efforçons juste de rester en vie. »

Dans les jours et les semaines qui ont suivi le tremblement de terre, nous avons distribué des articles de premières nécessité tels que des couvertures, des tentes, des réchauds et des lampes de poche aux familles qui avaient tout perdu. Ces objets ne sauraient compenser la destruction d’une ville adorée ou le sentiment d’être en sécurité chez soi, mais ils apportent un peu de réconfort et une source de lumière durant les nuits longues et sombres.

A man in bright orange vest stands in front of a pile of rubble while two excavators dig through destroyed building foundations behind him.

Un ouvrier se tient devant deux excavatrices qui rasent des bâtiments sévèrement endommagés à Adiyaman, en Turquie. ©Medair / Lucy Bamforth

L’amour d’une mère est plus fort que la peur

Nadia et sa famille de cinq personnes se trouvaient dans leur maison à la périphérie de Kahramanmaraş, Türkiye, lorsque le premier séisme est survenu. Les cris des voisins ont retenti dans les maisons environnantes. Les vitres ont volé en éclats et on n’entendait que le son du béton qui se fissure. Les bâtiments commençaient à s’effondrer. Toutefois, la priorité de Nadia était claire : Barra, son fils de 22 ans, qui a une paralysie cérébrale et une mobilité réduite.

« Nos voisins nous criaient de quitter notre maison car elle commençait à s’effondrer », raconte Nadia. « J’ai crié en retour : je ne partirai pas sans mon fils ! »

Nadia a porté son fils adulte dans ses bras et l’a conduit à l’extérieur en lieu sûr. Elle resta assise avec lui et ses autres enfants pendant des heures sous la pluie, craignant de rentrer dans leur maison de peur qu’elle ne s’effondre et ne les écrase. Quand la distribution des tentes a commencé quelques jours plus tard, Nadia a installé la sienne sur un terrain agricole proche de la maison qu’elle a habitée pendant six ans. Elle a suspendu des ballons au plafond pour apaiser ses enfants au moment de s’endormir. Cette solution n’est pas parfaite, confie-t-elle, et elle sait bien que ses enfants veulent rentrer chez eux.

« Nous y retournerons », garantit-elle en plaçant une main protectrice sur le dos de Barra. « Ce n’est qu’une question de temps. »

En Turquie (par l’intermédiaire de partenaires) et en Syrie, nous œuvrons avec des collaborateurs pour que les familles vulnérables comme celle de Nadia reçoivent des transferts monétaires inconditionnels destinés à subvenir à leurs besoins les plus urgents, leur offrant ainsi le choix et la dignité – en dépit de toutes les épreuves qu’elles ont traversées – de déterminer elles-mêmes ce qui leur sera le plus bénéfique.

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Nadia, à droite, et son fils Barra, à gauche, dans leur tente. Ils vivent ici depuis les séismes dévastateurs du 6 février. ©Medair / Lucy Bamforth.

Les besoins en matière de santé mentale demeurent considérables

Les symptômes associés à la détresse mentale ont envahi les communautés touchées par les tremblements de terre dans les semaines qui ont suivi le séisme. Les victimes ont fait état de difficultés à dormir, de cauchemars ou de souvenirs intrusifs liés aux séismes, et ont déclaré passer de plus en plus de temps seules.

Fátima, dont la fille de trois mois a perdu la vie dans le séisme lorsqu’un mur s’est effondré sur elle, subit ces symptômes. Le jumeau de sa fille et ses sept enfants aînés ont tous survécu ; ils vivent désormais dans une tente dans un campement officiel dans la ville turque de Nurdağı. Cependant, la douleur de la mort de sa fille la poursuit sans relâche.

« Nos vies ont basculé en un instant. Une poignée de secondes. J’ai perdu ma fille. J’ai tout perdu », confie Fatima. « Je n’ai pas envie de sortir ou de voir du monde. Je ne mange que pour survivre. C’est tout. »

Fatima a vécu un événement déchirant et bouleversant, comme beaucoup d’autres personnes ici. En Turquie (avec l’aide de partenaires) et en Syrie, nous offrons des services de santé mentale et des séances de sensibilisation en vue de soutenir et d’améliorer la santé mentale et le bien-être psychosocial des familles et des victimes des séismes.

The hands of children holding coloured pencils are seen colouring in pictures of flowers and cartoon characters.

Des enfants colorient des dessins lors d’une séance de soutien à la santé mentale dans un campement formel à Nurdağı. ©Medair / Lucy Bamforth

À quoi va ressembler la suite de notre travail en Turquie et en Syrie ?

Au lendemain des séismes, notre priorité était de venir en aide aux familles qui venaient de tout perdre. Au lendemain des séismes, notre priorité était de venir en aide aux familles qui venaient de tout perdre. Nous avons notamment fourni des couvertures, des lampes de poche et des trousses d’hygiène, qui ont permis aux familles de se réchauffer par des températures hivernales glaciales et de préserver leur dignité et leur intimité. Notre objectif est désormais de fournir une aide humanitaire qui permettra aux victimes de se relever dans la dignité. Notre objectif est désormais de fournir une aide humanitaire qui permettra aux populations de se relever dans la dignité. Autrement dit, nous nous concentrerons sur les besoins à plus long terme, comme la poursuite de l’aide en matière de santé mentale, la mise à disposition d’abris dignes et l’examen des moyens de soutenir les familles privées de revenus. Quoi qu’il en soit, nous continuerons à travailler en étroite collaboration avec les communautés que nous servons afin de développer des interventions qui répondent à leurs besoins et, ce faisant, de les aider, elles et leurs familles, à reconstruire leur vie.

 

 


La réponse de Medair au tremblement de terre en Syrie est rendue possible grâce au généreux financement de la Protection civile et des Opérations d’aide humanitaire de la Commission européenne, du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies, de la Direction du développement et de la coopération, de Solidarité Suisse, du Comité d’urgence en cas de catastrophe et de donateurs privés. En Turquie, nous réagissons au séisme grâce aux contributions généreuses de Läkarmissionen, Medical Teams International, PMU Interlife, Radiojhalpen, la Chaîne du Bonheur et

Ce contenu a été élaboré à partir de ressources rassemblées par le personnel de Medair sur le terrain et au siège social. Les opinions exprimées ici sont celles de Medair uniquement et ne doivent en aucun cas être considérées comme reflétant l’opinion officielle d’une autre organisation.